• QUE DE LA DOULEUR

    QUE DE LA DOULEUR

    MARTINE BETTI-CUSSO

    Invisible, mystérieuse, cette maladie divise encore le milieu médical et certains refusent toujours de la reconnaître. Pourtant, les tourments des patients sont bien réels.

    C'est la maladie de la douleur. Une douleur générale, diffuse, chronique, insupportable... La fibromyalgie - c'est le nom de ce syndrome - est aussi mystérieuse que controversée. Existe-t-elle vraiment ? On en ignore l'origine et les causes. Elle ne présente aucun signe objectif que l'on puisse mesurer : pas de lésions, pas de microbes, pas de virus... Rien n'apparaît lors des examens biologiques ou radiologiques. Et pourtant, ceux qui l'ont rencontrée parlent d'une maladie épuisante qui vous consume et vous laisse anéanti. Le moindre geste est une souffrance. La maladie handicape la vie et vous contraint souvent aux arrêts de travail. D'autant plus qu'elle affecte une population plutôt jeune, entre la trentaine et la cinquantaine. Selon des estimations, 2 à 5 % de la population française souffriraient de fibromyalgie dans des formes plus ou moins sévères, soit de 700 000 à 3 millions de personnes, majoritairement des femmes. En effet, la prévalence de la maladie serait de 0,5 % chez l'homme et de 3,4 % chez la femme. Une patiente souvent très dynamique, très active, jusqu'au jour où un stress, un accident, un traumatisme, voire une infection, déclenchent les douleurs. Il semble également qu'il puisse y avoir une prédisposition génétique.

    La maladie semble plus fréquente, sans doute parce qu'elle est davantage diagnostiquée. Décrite pour la première fois en 1977 par des médecins canadiens, elle a été reconnue en 1992 par l'Organisation mondiale de la santé et implicitement, l'année dernière, par notre Académie de médecine. Cette reconnaissance ne fait pas l'unanimité dans le corps médical.

    Le corps a mal et l'esprit souffre

    Pourquoi tant de scepticisme ? D'abord parce que ce syndrome ne présente aucun élément biologique ou anatomique.

    « Seules les analyses d'imageries médicales ont montré une réduction du débit sanguin cérébral dans certaines zones du cerveau agissant dans le fonctionnement de la douleur, explique le Pr Francis Blotman, rhumatologue à l'hôpital Lapeyronie de Montpellier. L'étude des neurotransmetteurs révèle que les molécules impliquées dans la transmission de la douleur augmentent tandis que les endorphines, qui la calment, diminuent. La perception de la douleur est troublée. Les malades ont une réponse exagérée aux stimulations douloureuses. »

    Tout le système nerveux se dérègle. Et c'est pourquoi la maladie présente des aspects à la fois rhumatologiques et psychiques. Ces douleurs apparaissent dans les muscles et dans les articulations avec des sensations de brûlures, une grande sensibilité au froid, des raideurs, des blocages des articulations des mâchoires, des crampes dans les jambes auxquelles sont associés des troubles du sommeil, des migraines, des troubles digestifs. Le patient craint tout mouvement, évite tout effort - ce qui aggrave le handicap - et connaît des états dépressifs dus autant à la fatigue qu'à l'incompréhension de l'entourage et des médecins. Quel fibromyalgique ne s'est pas entendu dire : « Mais c'est dans la tête... » ?

    « Aujourd'hui, les médecins prennent mieux en compte cette pathologie. Mais ils sont nombreux encore à l'assimiler à une dépression masquée, témoigne Denise Paccou, présidente de l'Association française du syndrome de fatigue chronique et de fibromyalgie. Et ils nous envoient chez le psychiatre. Pourtant, les fibromyalgiques se distinguent des dépressifs. Ils ont des projets, des activités, mais qu'ils ne peuvent réaliser parce que trop handicapés par la douleur et la fatigue. »

    Si les analyses ne montrent rien, elles permettent d'éliminer toute autre pathologie. La fibromyalgie a des signes semblables à d'autres maladies comme la polyarthrite, l'hémochromatose (l'organisme souffre d'une surcharge en fer) ou le syndrome SEC, caractérisé par une sécheresse de l'oeil et de la bouche accompagnée de douleurs diffuses. En fait, le trouble s'identifie par une palpation de points spécifiques douloureux et la coexistence de fatigue chronique et de troubles du sommeil.

    S'il n'existe pas de traitement permettant de le guérir définitivement, on peut calmer les symptômes. « La prise en charge doit être pluridisciplinaire, poursuit le Pr Blotman, associant médicaments et soins non médicamenteux. »

    Si les anti-convulsivants sont efficaces dans les douleurs chroniques, les anti-inflammatoires et les antalgiques ont une efficacité modérée. « En fait, la fibromyalgie se traite par des antidépresseurs. Même en l'absence de dépression, ils agissent sur les neuromédiateurs - l'adrénaline et la sérotonine - tout en ayant un effet antalgique », ajoute le Pr Pierre Teillac, directeur de la recherche et du développement du groupe Pierre Fabre.

    Ils peuvent aussi être sélectifs, intervenant soit sur l'adrénaline, soit sur la sérotonine, ce qui a pour effet de minimiser les effets secondaires - les fibromyalgiques sont particulièrement réactifs au stress et aux effets secondaires - mais avec le risque d'une efficacité moindre.

    Maintenir malgré tout l'activité physique

    Des exercices de rééducation sont indispensables pour éviter que les muscles ne s'affaiblissent. La kinésithérapie est recommandée, comme l'aquagym ou le thermalisme, et les techniques de relaxation (sophrologie, training autogène, techniques cognitivo-comportementales...) pour gérer les douleurs et diminuer les contractures. De même que le maintien d'une activité physique régulière et d'une activité professionnelle, autant pour entretenir la forme musculaire que pour y trouver un équilibre psychologique.

    « Le fibromyalgique doit adopter une vraie hygiène de vie et surveiller son alimentation, précise Denise Paccou. Il doit manger sain et frais, supprimer l'aspartame, le glutamate, les exhausteurs de goût, les levures... »

    Si aujourd'hui la fibromyalgie obtient droit de cité, elle n'a pas encore gagné toute la légitimité d'une maladie, avec les conséquences médico-sociales qui en résultent. Ainsi, des caisses de Sécurité sociale refusent encore de la reconnaître.

    Association française du syndrome de fatigue chronique et de fibromyalgie : 72, rue Royale, 59000 Lille. dp.sfcf@hotmail.fr

    A lire : La Fibromyalgie, la douleur au quotidien, par Francis Blotman et Jaime Branco, Editions Privat, 23 Û.

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